J+46. Vendredi 1er mai, fête du travail. (10 au jus). Jusqu'ici tout va bien…
Aujourd'hui je vais être un peu plus léger, on verra bien si j'évite la critique politique. Comme vous le savez, les manifestations pour la fête du travail ne sont pas autorisées, y compris à Cuba (!). Devant cette situation sans précédent, seul monsieur Martinez, à la radio ce matin, continuait ses revendications salariales et menaçait le gouvernement d'une vraie révolution à l'issue de la crise… Ce n'était peut-être pas la priorité du moment.
Deux militants, mardi, au volant d'un fourgon siglé "CGT" et distribuant des lampions pour le 1er mai, l'ont appris à leur dépens. Ils ont été verbalisés avec 135 euros d'amende chacun. Le muguet n'a pas été le seul à être banni des trottoirs et rues, les défilés et les lampions aussi.
Les militants CGT en cause voulaient faire un clin d'œil à la prise de la Bastille et au 14 juillet. Même si aujourd'hui l'organisation pousse des cris d'orfraie contre la liberté syndicale "embastillée", en période de confinement, on ne peut pas faire n'importe quoi. Ceci dit, pour le comprendre, il faut un minimum d'intelligence…
Donc, comme je vous le disais au début de ce billet, on ne peut pas célébrer la fête du travail, mais on peut en revanche célébrer celle du confinement ou au moins du télétravail.
Le président a considéré ce matin que l’esprit du 1er mai n’a jamais été aussi puissant, tu parles… Il a été aussitôt attaqué par l'inénarrable sergent Garcia de la CGT puis par monsieur Besancenot, qui en appelle à la chute du système capitaliste et harangue le personnel hospitalier à manifester.
Faisant fi de ces considérations de politique politicienne, je vais mettre en place mon plan de manifestation domestique à mon modeste niveau local de confiné de base…

J'ai donc décidé d'organiser à la maison la manifestation du 1er mai, destinée à célébrer la fête du télétravail. Le convoi partira vers 13 heures du salon, parce que le timing est serré (même en ce jour férié, j'ai une conf-call à 16h00). Pour ne pas déroger à la tradition, mon fils aîné portera un bob avec des stickers CGT et sera chargé du barbecue électrique dans la cuisine.
A partir de midi, il pourra très bien faire griller les saucisses sur le bord de la fenêtre pendant que sa sœur tapera sur une gamelle pour maintenait l'ambiance de début de manif. Pour ma part, j'envisage de porter un masque de Philippe Martinez et de lancer quelques slogans bien sentis, ponctués par un klaxon de brume. Nous partirons donc dans le couloir à la queue le leu dans une ambiance bon enfant (c'est toujours bon enfant au début).
Nous tournerons ensuite à gauche en direction de la salle de bains. Il est prévu de revendiquer bruyamment contre les poils laissés dans le lavabo. Si l'ambiance est bonne, nous pourrons aussi aborder le sujet des traces de dentifrice.
Encore tout à mes pensées, je n'ai pas vu venir le barrage des forces de l'ordre. Ce n'est pas une compagnie de CRS qui nous bloque, mais la mère de mes enfants qui trouve que nous faisons trop de bruit.
Il est vrai qu'on la gêne un peu pour regarder son feuilleton télévisé, mais après tout c'est le 1er mai… Hélas, fête du télétravail ou pas, l'accès de la salle de bains nous est interdit. Pire, après les sommations d'usage, la maîtresse de maison nous jette des coussins du canapé à la figure. Nous n'avons pas le choix, il nous faut reculer… Nos banderoles de revendications réalisées au dos de vieilles attestations dérogatoires périmées sont à terre.
Madame nous demande fermement de ranger tout le "cirque que nous avons mis". La manifestation se disperse. C'est bon, je serai à l'heure à ma "conf-call". Fin de l'épisode, mais il y avait une autre solution.
Il est en effet aujourd'hui possible de manifester sans passer le pas de sa porte, notamment grâce à une application baptisée "Manif.app". Il suffit tout simplement de glisser son avatar (une mini silhouette) sur l'emplacement de votre choix, grâce à la cartographie Open Street Map.
Vous êtes complètement anonyme, mais votre avatar et votre slogan est bien visible des autres participants. Sans aucun risque de contamination, on peut ainsi manifester depuis son canapé sur la place de la République ou même devant le palais de l’Elysée. C'est un peu pathétique mais on n'a pas le choix et comme jusqu'ici, tout va bien…