Pas si connu de nos jours, le viaduc ferroviaire des Fades enjambe la vallée de la rivière "Sioule", entre Sauret-Besserve et les Ancizes (Puy-de-Dôme). La ligne Lapeyrouse - Volvic (tronçon de Clermont-Ferrand à Montluçon, via le plateau des Combrailles) passe dessus. Hélas, son exploitation a été suspendue en 2007, officiellement pour "raison de sécurité", à cause de la vétusté, mais c'est la baisse de fréquentation de la ligne, voyageurs comme fret, qui a entraîné l'arrêt de son entretien régulier.
Cette ligne avait été déclarée d'utilité publique le 22 juillet 1881. Concédée à la compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans (PO), de 1893 à 1896, un projet de viaduc a été étudié pour traverser la profonde vallée de la Sioule. Repris plusieurs fois par différents ingénieurs, c'est le projet Virard qui a reçu l'approbation ministérielle en 1901.
La société française de constructions mécaniques, basée à Denain (Nord), a été déclarée adjudicataire des travaux. Il s'agit de construire un viaduc semi-métallique, à trois travées en acier laminé, à poutres droites, reposant sur deux piles géantes en moellons de granit. Elles sont l'œuvre de la prestigieuse corporation des maçons itinérants de la Creuse. Evidées, ce qui a permis leur construction sans échafaudage, les ouvriers pouvaient y monter par l'intérieur, grâce à un monte-charge.
Le montage du tablier est effectué au moyen de deux "cages" roulantes, une au départ de chaque rive. Elles renfermaient tous les outils nécessaires à la pose et au rivetage des différentes pièces du tablier.
Les travées latérales mesurent 116 mètres, la travée centrale, 144 mètres. La jonction finale a lieu le 18 mai 1909 et le viaduc a été achevé le 11 septembre de la même année, après 8 ans de travaux.
Des épreuves de résistance ont été effectuées avec un train chargé de ballast (1075 tonnes). En octobre suivant, le viaduc des Fades était mis en service. Il était, au moment de son inauguration, le plus haut pont du monde, toutes catégories confondues (!).
Il est encore aujourd'hui au 14ème rang des plus hauts viaducs ferroviaires mondiaux. Ses deux piles monumentales en moellons de granit culminent à plus de 92 mètres de haut. Elle sont à ce jour, les plus hautes piles de pont en maçonnerie traditionnelle jamais construites. Leur base est plus vaste qu'un terrain de tennis.
Ce viaduc est un monument à la gloire de la poutre droite. Son gigantesque tablier constitue un des plus beaux spécimens de ce type et le viaduc des Fades est toujours le plus haut viaduc ferroviaire de France.
La dernière réfection des peintures remonte à un quart de siècle, mis à part une trentaine de mètres repeints en 2004, la structure métallique du viaduc présente aujourd'hui une corrosion avancée, susceptible de compromettre la sécurité de l'ouvrage, sans parler du triste spectacle de la rouille omniprésente.
Des coulées calcaires défigurent même les maçonneries des deux piles, sans parler de l'aspect peu engageant des abords, abandonnés. C'est un triste spectacle.
Une association "Sioule et Patrimoine" ne ménage pas ses efforts pour la réhabilitation du viaduc. Je voudrais rendre hommage aux centaines d'ouvriers qui se sont succédés aux Fades pendant les 8 ans de la construction : carriers, tailleurs de pierre, maçons, charpentiers, peintres ou simples manœuvres. Il n'y a eu que deux accidents mortels en 1906 et 1909 en raison des mesures de sécurité draconiennes.
Ayons une pensée pour ces travailleurs, du sans-grade (parmi lesquels de nombreux adolescents) jusqu'aux compagnons itinérants, nobles de la pierre et du fer, pour ces 800 ouvriers venus de tous les horizons qui, pour un salaire de misère et à la force du poignet édifieront en cette vallée des Fades le plus grand pont du monde !
Laisser cet admirable viaduc tomber en ruines est aujourd'hui leur faire injure…
@+
Il manque seulement 3 millions d'euros pour réhabiliter totalement ce viaduc. Ramené à une dimension humaine, c'est ce qu'a coûté l'exosquelette Héraclès, invention construite pour permettre à un homme de se déplacer avec une charge de 100 kilos et dont l'utilité prioritaire ne me saute pas aux yeux.