Un petit coup de gueule aujourd'hui, ça faisait longtemps. Je vais mettre un coup de projecteur sur le château de Piquecos (82), qui est quand même une demeure ayant été royale et dans la chapelle duquel plusieurs souverains, depuis Louis XIII, se sont succédés en prière. Je suis effaré de voir qu'on laisse cet admirable édifice menacer ruine… et pas qu'un peu. Les journées du patrimoine ont été le chant du cygne et le Château de Piquecos, en vente, n'ouvrira plus à la visite.
Au coeur des Causses dominant l'Aveyron, le château de Piquecos dresse encore sa silhouette de forteresse. Construit entre 1459 et 1510 par la famille Prez, riche lignée du Quercy, Piquecos est le recueil d’une histoire tourmentée et marquée par les guerres de religion. Plusieurs personnages illustres furent les hôtes de ce château-fort. Louis XI vint y participer pour des grandes chasses en 1463, François 1er y logea durant une quinzaine de jours sur la route de Perpignan, en 1542. Pendant le siège de Montauban, en 1621, le roi Louis XIII dont l’armée venait mater la rébellion huguenote, séjourna lui aussi à Piquecos. Le château est classé aux "Monuments Historiques", mais sa restauration, qui devait lui rendre sa splendeur d’antan, grâce à une association et grâce aux "Bâtiments de France" est en fait à peine entamée. Les quelques pièces commencées ne sont ni faites, ni à faire, le bâtiment n'est pas hors d'eau et de nombreux endroits, comme la chapelle, menacent ruine et sont interdits d'accès.
La visite commençait aux douves aujourd'hui asséchées, pour entrer dans la basse-cour. Encadrée par des pavillons d’entrée Empire aux fenêtres cassées ou occultées par du contreplaqué, le château qui devait autrefois avoir fière allure, avec ses quatre tours surmontées de mâchicoulis et son pont de pierre, n'est plus que l'ombre de lui-même. Ce ne sont pas les éléments perdus lors des batailles qui firent rage dans la région, qui sont en cause, car l'édifice a gardé une majesté sobre. Le luxe des intérieurs du XVIIème siècle est fort impacté. Par exemple, les planchers ne subsistent que sur le pourtour de la chambre du roi, autrefois superbement décorée, mais dont les extraordinaires plafonds peints sont près de passer le point de non-retour, celui où la restauration ne sera plus possible. Certains caissons du plafond trainent même ça et là, depuis qu'ils ont chu au sol, vaincus par les ans et leur irréparable outrage. Les remparts et la salle des gardes n'ont pu être visités. Certaines fenêtres laissent passer la pluie ou sont même absentes. C'est un naufrage.
De ce que j'ai compris à l'issue de la visite, les actuels propriétaires, après s'être battus pendant 17 ans pour maintenir le château à flot, et commencer la restauration, ont jeté l'éponge, ne pouvant plus assumer financièrement. Restaurer un château conduit souvent à la ruine financière et tout le monde sait bien que les aides accordées pour mener ces œuvres à bien sont symboliques voire même inexistantes.
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Je n'ai pas pu savoir grand-chose sur les futurs propriétaires, si ce n'est qu'ils sont étrangers et que Piquecos deviendra un lieu privé fermé à la visite. Quid de la restauration ? Mystère.
L'avenir de ce château dédié à l'amour est bien sombre. Dédié à l'amour, dis-je ? Oui, si l'on examine les peintures de plafond restantes (photos interdites à l'intérieur). Commandées vers 1641, par l’ancienne marquise, propriétaire des lieux, elles laissent rêveur. D’un côté, on voit une femme agenouillée près de Vénus et de l'autre, des jeunes filles allongées semblent convier au repos deux guerriers dans la force de l’âge. Plus loin, proche de Bacchus, une autre pécheresse tout aussi peu vêtue, dans une pose des plus langoureuses. Il paraît que l’amour se suggère d’autant mieux qu’il ne se dévoile. C'est la note positive à retenir avec ce message que la marquise de l’époque a peut-être voulu faire passer à ses hôtes. Pas de miroirs… mais des plafonds à Piquecos, et c'est bien mieux que le triste spectacle de la chapelle dont les clefs de voute menacent de s'effondrer.
Certes, l'Etat a d'autres priorités, comme remplacer la table du conseil des ministres pour plus de 80.000 euros, et pourquoi s'intéresser à un château et une chapelle où se sont succédé plusieurs rois de France ? Vraiment, jusqu'ici, tout va bien…
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